La langue swahili, ou kiswahili, est l’une des langues les plus parlées en Afrique de l’Est et centrale. Elle est utilisée comme langue véhiculaire par des millions de personnes à travers différents pays tels que le Kenya, la Tanzanie, l’Ouganda, le Rwanda, le Burundi et même certaines parties de la République démocratique du Congo et du Mozambique. Apprendre le swahili peut ouvrir des portes à une riche culture et à de nombreuses opportunités de communication dans cette région dynamique. Pour maîtriser cette langue, il est essentiel de comprendre sa morphologie, c’est-à-dire la manière dont les mots sont formés et utilisés dans les phrases. Cet article se propose de vous introduire aux aspects fondamentaux de la morphologie swahili.
Les bases de la morphologie swahili
La morphologie du swahili se distingue par sa structure agglutinante. Cela signifie que les mots sont souvent formés en combinant plusieurs morphèmes (les plus petites unités de sens) de manière séquentielle. Contrairement à des langues plus isolantes comme le chinois, où chaque mot est généralement une entité indépendante, le swahili utilise des préfixes, infixes et suffixes pour transmettre différentes significations et fonctions grammaticales.
Les classes nominales
Le swahili, comme beaucoup de langues bantoues, utilise un système de classes nominales pour catégoriser les noms. Ces classes fonctionnent un peu comme les genres en français, mais elles sont beaucoup plus nombreuses et ont des fonctions grammaticales plus étendues. Chaque classe est marquée par des préfixes spécifiques qui modifient en conséquence les verbes, adjectifs et pronoms associés au nom.
Voici quelques-unes des principales classes nominales en swahili :
– **Classe 1/2** : pour les personnes
– Exemples :
– mtu (une personne) / watu (des personnes)
– **Classe 3/4** : pour les objets inanimés longs et minces
– Exemples :
– mti (un arbre) / miti (des arbres)
– **Classe 5/6** : pour les objets inanimés divers
– Exemples :
– tunda (un fruit) / matunda (des fruits)
– **Classe 7/8** : pour les objets manufacturés
– Exemples :
– kiti (une chaise) / viti (des chaises)
– **Classe 9/10** : pour les animaux et certains objets inanimés
– Exemples :
– simba (un lion) / simba (des lions)
Les classes 1/2 sont généralement utilisées pour les êtres humains, tandis que les autres classes couvrent une variété d’objets et de concepts. Chaque classe a ses propres préfixes pour les formes singulières et plurielles.
Les préfixes verbaux
En swahili, les verbes sont conjugués en ajoutant des préfixes et des infixes au radical du verbe. Ces affixes indiquent le sujet, le temps, l’aspect, la négation et parfois même l’objet du verbe. Voici une décomposition typique d’un verbe swahili :
– **Sujets** :
– Ni- (je)
– U- (tu)
– A- (il/elle)
– Tu- (nous)
– M- (vous)
– Wa- (ils/elles)
– **Temps** :
– Na- (présent)
– Li- (passé)
– Ta- (futur)
Un exemple de conjugaison avec le verbe « kula » (manger) serait :
– Ninakula (je mange)
– Unakula (tu manges)
– Anakula (il/elle mange)
– Tulikula (nous avons mangé)
– Watakula (ils/elles mangeront)
Les préfixes et infixes de temps se placent généralement entre le préfixe de sujet et le radical du verbe.
Les préfixes nominaux et adjectivaux
Les adjectifs en swahili doivent s’accorder avec le nom qu’ils modifient. Cette concordance se fait par le biais de préfixes spécifiques aux classes nominales. Par exemple, pour dire « une grande maison » et « des grandes maisons » :
– Nyumba kubwa (une grande maison)
– Nyumba kubwa (des grandes maisons)
En revanche, pour les arbres :
– Mti mkubwa (un grand arbre)
– Miti mikubwa (des grands arbres)
On remarque que le préfixe de l’adjectif « kubwa » change en fonction de la classe nominale du nom qu’il décrit.
Les pronoms
Les pronoms personnels en swahili sont également influencés par les classes nominales. Les pronoms sujets sont similaires aux préfixes verbaux, tandis que les pronoms objets suivent une structure comparable. Voici une liste des pronoms personnels sujets et objets :
– **Sujets** :
– Mimi (je)
– Wewe (tu)
– Yeye (il/elle)
– Sisi (nous)
– Ninyi (vous)
– Wao (ils/elles)
– **Objets** :
– -ni- (me)
– -ku- (te)
– -m- (le/la/l’)
– -tu- (nous)
– -wa- (vous)
– -wa- (les)
Par exemple, dans la phrase « je te vois » (mimi ninakuona), « ni » est le préfixe sujet pour « je », « ku » est le préfixe objet pour « te », et « ona » est le radical du verbe « voir ».
Les verbes dérivés
En swahili, les verbes peuvent être modifiés pour exprimer différentes nuances de sens en ajoutant des suffixes dérivationnels. Voici quelques-uns des suffixes les plus courants :
– **Suffixe causatif** (-sha ou -za) : Il transforme un verbe en un verbe causatif, indiquant que le sujet fait faire l’action à quelqu’un d’autre.
– Exemples :
– Kula (manger) → Kulisha (faire manger)
– Kuza (croître) → Kukuza (faire croître)
– **Suffixe applicatif** (-ia ou -ea) : Il indique que l’action du verbe est réalisée pour le bénéfice de quelqu’un ou de quelque chose.
– Exemples :
– Andika (écrire) → Andikia (écrire pour quelqu’un)
– Pika (cuisiner) → Pikia (cuisiner pour quelqu’un)
– **Suffixe réciproque** (-ana) : Il indique une action réciproque entre deux ou plusieurs parties.
– Exemples :
– Pendana (s’aimer mutuellement)
– Sikilizana (s’écouter mutuellement)
– **Suffixe passif** (-wa) : Il transforme un verbe actif en verbe passif.
– Exemples :
– Soma (lire) → Somwa (être lu)
– Andika (écrire) → Andikwa (être écrit)
La négation
La négation en swahili se fait principalement en utilisant le préfixe « ha- » ou « si- » en fonction du temps et du sujet. Pour le présent, par exemple, « ha- » est utilisé avec les sujets pluriels et « si- » avec les sujets singuliers :
– Mimi siendi (je ne vais pas)
– Wewe huendi (tu ne vas pas)
– Yeye haendi (il/elle ne va pas)
– Sisi hatuendi (nous ne allons pas)
– Ninyi hamwendi (vous ne allez pas)
– Wao hawaendi (ils/elles ne vont pas)
Pour le passé, le préfixe « ku » est souvent ajouté après « ha- » :
– Mimi sikuenda (je ne suis pas allé)
– Wewe hukuenda (tu n’es pas allé)
– Yeye hakuenda (il/elle n’est pas allé)
– Sisi hatukuenda (nous ne sommes pas allés)
– Ninyi hamkuenda (vous n’êtes pas allés)
– Wao hawakuenda (ils/elles ne sont pas allés)
Les constructions des phrases
La structure des phrases en swahili suit généralement un ordre Sujet-Verbe-Objet (SVO), similaire à celui de nombreuses langues, y compris le français. Cependant, la flexibilité de cette structure permet parfois de modifier l’ordre des mots pour mettre en avant certains éléments de la phrase.
– **Phrase simple** :
– Mimi ninakula chakula (Je mange de la nourriture)
– Wewe unasoma kitabu (Tu lis un livre)
– **Phrase interrogative** :
– Je, unakula chakula? (Est-ce que tu manges de la nourriture?)
– Je, unasoma kitabu? (Est-ce que tu lis un livre?)
Les particules interrogatives comme « je » sont souvent utilisées au début des phrases pour indiquer une question.
Les conjonctions et les prépositions
Les conjonctions et les prépositions en swahili sont essentielles pour relier les phrases et les clauses entre elles. Voici quelques exemples courants :
– **Conjonctions** :
– na (et)
– lakini (mais)
– kwa sababu (parce que)
– **Prépositions** :
– katika (dans)
– kwa (pour, à)
– juu ya (sur)
Exemples d’utilisation :
– Mimi na wewe tunakwenda sokoni (Toi et moi allons au marché)
– Ninaenda shuleni kwa sababu nataka kujifunza (Je vais à l’école parce que je veux apprendre)
Les expressions idiomatiques et les proverbes
La langue swahili est riche en expressions idiomatiques et en proverbes, qui reflètent la culture et la sagesse populaire. Apprendre ces expressions peut non seulement améliorer votre compréhension de la langue, mais aussi vous donner un aperçu profond de la culture swahiliphone.
– **Expressions idiomatiques** :
– Kula kwa macho (littéralement : manger avec les yeux ; signifie : admirer quelque chose de beau)
– Kuwa na njaa ya kisasi (littéralement : avoir faim de vengeance ; signifie : être avide de vengeance)
– **Proverbes** :
– Haraka haraka haina baraka (la précipitation n’apporte pas de bénédictions)
– Asiyekubali kushindwa si mshindani (celui qui n’accepte pas la défaite n’est pas un vrai compétiteur)
Conclusion
La morphologie swahili, avec ses classes nominales, ses préfixes verbaux, ses suffixes dérivationnels et ses structures de phrase, offre une richesse et une complexité fascinantes. Pour maîtriser le swahili, il est crucial de comprendre ces différentes composantes et comment elles interagissent. En vous immergeant dans cette langue et en pratiquant régulièrement, vous découvrirez non seulement une nouvelle manière de communiquer, mais aussi une culture vibrante et diversifiée. Que votre voyage linguistique soit enrichissant et plein de découvertes !